Journalistes, rédacteurs … Le statut de journaliste pigiste rime souvent avec précarité. Faute de revenus financiers suffisants, plusieurs d’entre eux ont été obligés de se séparer de leur carte de presse, ou l’ont perdue. Témoignages et explications.
Qu’elle concerne les étudiants ou les jeunes travailleurs, la « pige » est une étape devenue incontournable pour tout futur journaliste. Journaliste pour une entreprise de presse rémunéré à l’article, le pigiste dispose d’un statut particulier et mène souvent une vie précaire. Une tendance qui s’est confirmée avec les années. Selon le « baromètre social » du journalisme réalisé chaque année par le sociologue et spécialiste des médias Jean-Marie Charon, le nombre de titulaires d’une carte de presse a reculé de 191 en 2017, avec 35.047 cartes délivrées par la CCIJP (Commission de la carte d’identité des journalistes professionnels), l’instance professionnelle qui les remet. Le pourcentage des pigistes et des chômeurs ayant grimpé de 22,7% à 26,2% depuis 2006.
Devant justifier de salaires réguliers et de plus de 50% de revenus consacrés à la pratique du journalisme, le pigiste est parfois contraint de se séparer de sa carte de presse ou se la voit retirer. Il peut notamment se trouver désarmé face à une baisse de son volume habituel de piges. « Avec la crise économique, certaines rédactions ont baissé leur budget piges… à ce rythme, je ne sais pas si je vais conserver ma carte de presse », explique Aurélie journaliste pigiste dans la PQR à Paris.
« Démarcher pour survivre »
Si de nombreux journalistes ont bataillé pour obtenir ce précieux sésame, pour le garder et tenter de s’en sortir certains comme Aurélie entame un nouveau parcours du combattant. «Pour joindre les deux bouts, j’ai dû faire un autre métier que celui de journaliste. J’ai dû réaliser des enquêtes pour des boîtes de communication, il faut bien payer son loyer à la fin du mois. » poursuit Aurélie. « J’ai fait une école privée de journalisme, d’où je suis sortie il y a 7 ans. On était une trentaine dans ma promo, et on est seulement 4 ou 5 à être devenus journalistes professionnels. Même si je m’estime heureuse, devoir penser à renoncer à sa carte de presse quand on a travaillé aussi dur, ça fait mal. Au début j’ai multiplié les boulots en tant que rédactrice pour m’en sortir. » raconte Maya pigiste pour Canal +.
La débrouille devenue maître mot pour ces journalistes, certains n’hésitent pas à eux même sacrifier leur carte de presse pour boucler leur fin de mois. Selon les données de la Commission de la carte (CCIJP), en 2017 le salaire des pigistes ne dépasserait pas les 1200 euros bruts. Ils sont ainsi plusieurs à devoir se débrouiller par leur propre moyen. Certains adoptent le statut d’auto entrepreneur, incompatible avec le travail de journaliste et qui a pour effet de les priver de leur carte de presse, d’écarter le statut de salarié et tous droits qui y sont attachés. « Nous devons démarcher pour survivre. Multiplier les clients pour vivre au risque de perdre à terme notre carte de presse. J’ai choisis le statut d’auto entrepreneur non par choix, mais par nécessité. » explique Sébastien chroniqueur culture. A l’issue des élections qui ont démarré le 19 avril, plusieurs journalistes reconnus comme Lise Blanchet (Prix Albert Londres, présidente de la Commission des journalistes de la SCAM), ou encore Sophie Bouillon (prix Albert Londres 2009) et Stéphane Marchetti (prix Albert Londres 2008) souhaiteraient engager des discussions confraternelles sur une évolution des conditions de renouvellement des cartes de presses, dès que la nouvelle composition de la CCIJP sera connue.