Aussi surprenant que ça puisse paraître, la carte de presse peut se transformer en handicap au recrutement des journalistes.
Les trois journalistes du site d’information sportive Rugbyrama n’ont certainement pas compris ce qui leur est arrivé. Ils ont reçu le 1er septembre dernier une lettre de licenciement après avoir demandé une révision de leur statut, selon le Syndicat national des journalistes (SNJ).
Recrutés comme webmaster, ils ont souhaité être considérés comme journaliste. Avec 17 000 articles publiés aux compteurs à eux trois, ils ont demandé une carte de presse auprès de la Commission de la Carte d’Identité des Journalistes Professionnels (CCIJP) et ils l’ont obtenu. C’est cette demande que leur reproche leur employeur : La Dépêche interactive, filiale numérique de La Dépêche. C’est elle qui édite le site Rugbyrama.
Il faut dire qu’il existe une différence salariale entre un webmaster et un journaliste. La grille de salaires d’un webmaster commencerait à 1 365 euros selon l’ONISEP quand celle d’un journaliste web débuterait à 1 480 euros selon l’Étudiant. Contactée, La Dépêche interactive n’a pas répondu à nos sollicitations.
La CCIJP a réagi en précisant qu’une attestation de l’employeur n’est pas indispensable à l’obtention du sésame et qu’ « au regard des pièces fournies, l’instruction des demandes en question a conclu positivement à l’attribution de carte de presse ». Après leur licenciement, les trois journalistes « ont entamé une démarche au prud’homme et La Dépêche a préféré conclure un accord pour éviter un procès » d’après Olivier Cimpello, délégué syndical SNJ à La Dépêche et ancien membre de la CCIJP.
L’ubérisation du métier
Posséder une carte de presse est pourtant un pass indispensable pour prétendre à un recrutement par nombre de médias. Olivier Cimpello justifie ainsi que les médias ont « des obligations, avec une charte de déontologie professionnelle. Le média à l’obligation d’avoir une rédaction et des journalistes. Et sa crédibilité tient au fait d’avoir des journalistes professionnels à son service ». Il rappelle d’ailleurs que « la réalité de la carte de presse en France est qu’elle sert d’accréditation un peu partout (…) c’est un laissez-passer. Quand on est journaliste et qu’on ne l’a pas, ça fait défaut… vous n’avez pas de légitimité. »
Le groupe La Dépêche rechigne pourtant à recruter des journalistes. L’entreprise aurait eu plus de quatre-vingts départs de journalistes en dix ans. Dans le même temps, les recrutements ont été rares d’après la section SNJ Midi-Pyrénées. Ils ont surtout concerné Dépêche news, l’agence de presse interne du groupe, beaucoup moins avantageuse pour ses salariés. La SNJ dénonce « l’ubérisation des journalistes » qui passeront par plusieurs services locaux dans « une entreprise dépourvue d’accord collectif ».