De la musique, des slogans, et de la bonne humeur, ce sont quelques-uns des ingrédients qu’il faut pour faire une manifestation dans la bonne ambiance. Et ils étaient tous là pour le défilé des fonctionnaires entre Saint-Cyprien et le monument aux morts mardi 22 mai.
À l’arrière d’une camionnette, au milieu de la sono, micro à la main, Véronique Sajus chante et met de l’ambiance là où elle passe. Elle a même déniché un remix de Bella ciao par DJ Hugel, pour toucher les plus jeunes. Et ça marche, la chanson est passée quatre fois. Dans les rangs de Sud solidarité, Véronique se fait appeler « The Voice ». Dans sa playlist du jour, les chants révolutionnaires ont une place de choix, « il faut que les gens s’identifie dans les paroles ». Avec cette aide-soignante aux manettes depuis près de cinq ans, il y a de quoi oublier carrément qu’il s’agit d’une manifestation et d’une journée de grève.
Car a priori, manifester n’est pas une partie de plaisir. Après tout, et c’est un événement rare pour être signalé, neuf organisations syndicales ont appelé à manifester mardi 22 mai contre la réforme de la fonction publique et les suppressions d’emplois annoncées. Il fallait bien ça pour les rassembler. 20 000 personnes y ont pris part selon les syndicats, 3 500 d’après la police.
Interrogé sur la préparation de la playlist du véhicule qu’il dirige, Jean de la section retraités de la CGT est d’abord surpris. Il finit tout de même par lâcher en rigolant : « c’est un type devant son ordinateur qui télécharge un peu de tout ». Plus sensible aux chansons de sa génération, il n’hésite tout de même pas à mettre du rap dans sa playlist « si les paroles sont bien ». Ce mardi, les manifestants ont notamment entendu Hasta siempre commandante, Plus rien ne m’étonne, ou encore Tout le bonheur du monde.
Des manifestations, des ambiances
Pour que la mayonnaise d’une chanson prenne durant une manifestation, il faut « un air festif, avec des paroles simples et juste, qui collent aux revendications » résume très simplement Yohan, technicien EDF, alors qu’il porte un drapeau de son syndicat. Il cite notamment en exemple Les Saltimbanques et Les Motivés. Voilà six ans que Yohan participe à des manifestations, le statut des agents EDF est menacé comme celui des cheminots. Le jeune homme peut donc faire une comparaison d’ambiance entre le pays des chocolatines et la capitale : « à Paris, il y a beaucoup plus de monde, c’est moins convivial. Ici, on se rencontre, on discute. »
Catherine, des lunettes de soleil sur le nez, fait une autre comparaison. Cette retraitée se souvient des manifestations en 1995 : « c’était beaucoup plus enjoué. On avait des manifestations de feu ! Aujourd’hui, c’est plus tranquille. Il y a peut-être de la lassitude », explique-t-elle songeuse.
Mathieu, contrôleur à la SNCF, est un autre habitué des manifestations. Cette fois, il colle des affichettes sur des poteaux. Manifestant depuis qu’il est lycéen, il se souvient avoir dit non au CPE en 2005, « c’était ma deuxième manif ». Et il fait une comparaison d’ambiances : « les manifestations du 1er mai sont plus familiales, et les manifestations étudiantes sont plus Rock and Roll ». Il ajoute que : « que le dispositif policier en face peut exciter davantage les manifestants ». Et les slogans ont aussi un rôle à jouer dans l’ambiance d’une manifestation. Pour Mathieu, « les plus simples sont les meilleurs ».
Ambiance libre et spontanée
« Il faut que chacun fasse des choses dans son coin, et qu’après on mette tout en commun. Il faut de la diversité, que ce soit libre, vivant et spontanée. » Voici la recette d’Antonin pour une bonne manifestation. En exemple, le jeune animateur raconte, des étoiles dans les yeux, avoir vu un peu plus tôt la mise en scène d’un mariage entre le service public et le privé pour symboliser la privatisation. Lui, il a apporté une pancarte illustrant une école sur laquelle il invite les gens qu’il rencontre à écrire un mot.
Sa collègue, Marie, est une habituée des manifestations. Mais c’est la première fois qu’elle amène une pancarte qu’elle a fabriqué chez elle, « ça a beaucoup plus d’impact, les gens s’arrêtent, ils regardent, et parfois prennent en photo ». Elle devrait renouveler l’opération pour la manifestation du 26 mai.