Gilles Collaveri est un archéologue à part. La semaine, le Toulousain vend des avions, et le week-end, il part à la recherche du temps perdu. Et plus précisément de vestiges d’avions, qu’il fait revivre en les sortant de terre. Portrait d’un passionné.
C’est un homme plein de gentillesse, qui derrière ses lunettes cache une mine de connaissances et de moments forts. Gilles Collaveri est un archéologue hors norme, de par sa discipline qui sort de l’ordinaire. Plus qu’un simple passionné d’aviation, il lui dévoue presque tout son temps libre. Notamment par le biais de l’association qu’il a fondée en 2013, Aerocherche. Concrètement, les bénévoles de l’association sortent de terre des vestiges aéronautiques, des restes d’avions crashés il y a des décennies , dont les plus rares sont exposés au musée de l’aviation Aeroscopia. Un lieu au cœur du bassin aéronautique de Blagnac, qui accueillait récemment une rencontre autour de la disparition d’une machine française, un Dewoitine 338, en mars 1938 dans le massif pyrénéen. À ce rendez-vous étaient conviés les descendants des membres de l’équipage, débouchant sur un moment très fort en émotions. « Ces gens ne se connaissaient pas, mais partageaient tous un même point commun, alors ils ont fait connaissance et ont pu partager leurs ressentis. L’aspect humain de nos recherches est une dimension très forte et très motivante », raconte Gilles Collaveri.
Un aspect humain qui prédomine
Car l’initiative de Gilles Collaveri va bien plus loin qu’une recherche de pièces. « Mes découvertes les plus marquantes sont celles qui touchent les hommes, les navigants », explique le président d’Aerocherche. Parmi celles-ci, des médaillons, des objets personnels ayant appartenu aux membres d’équipage disparus lors de ces crashs, rajoutant un supplément d’histoire à ces découvertes, mais aussi des rencontres. Autant que possible, le passionné d’aviation va même jusqu’à éplucher l’annuaire afin de retrouver une possible piste, un cousin, un petit-fils, pour rattacher au présent ce qui fut jadis un drame. « Ce sont des événements tristes, suite à un acte de guerre, une panne ou un incident météo, lors desquels il y a souvent eu des morts », explique Bernard Ordy, un ami du passionné qui met sa qualité d’expert chez Airbus au profit de l’association. « Alors il y a un respect évident, il faut garder du recul. Il y a peu, un homme est venu d’Allemagne avec son fils, c’était le neveu d’un pilote qui s’était tué à l’entraînement, près de Tarbes. Ce monsieur avait pendant longtemps cherché l’emplacement du crash. Il était très touché. C’est très démonstratif de la volonté de Gilles de faire revivre ces vestiges », raconte-t-il.
Un travail d’équipe, une quête épique
« Nos recherches peuvent soit partir du témoignage d’une personne qui nous mène vers des archives, soit à l’inverse, les archives nous mènent à enquêter sur place. On contacte des gens, des personnes désormais âgées qui étaient sur place au moment du crash, et c’est ainsi que l’on arrive à localiser l’emplacement », explique Gilles Collaveri. Alors, au moyen de détecteurs de métaux, de pelles et autres outils, les membres de l’association retrouvent des débris plus ou moins gros ayant appartenu à ces appareils d’une autre époque. « Lorsque j’ai un doute sur une pièce, j’ai un groupe d’amis qui peuvent me certifier qu’il s’agit bien d’une partie d’un avion et non pas d’un autre objet, car nous pouvons tout aussi bien trouver un morceau de charrue ! Ils peuvent aussi m’aiguiller quant à sa fonction dans l’avion ». Les expéditions peuvent s’avérer fructueuses, mais parfois aussi aventureuses : « pour le Dewoitine 338, il y avait 3h30 de montée, dans un massif rocailleux », raconte l’archéologue. Les nombreuses photos sur le site internet de l’association témoignent également de la complexité de ces expéditions, qui n’ont rien à envier à des missions de spéléologie. A la fin d’une journée de recherche, Gilles Collaveri et les bénévoles inventorient leurs trouvailles et envoient un rapport au service archéologie de la Direction Régionale des Affaires Culturelles (DRAC). Une partie de ces pièces est exposée au musée Aeroscopia, une autre est stockée à la DRAC. Prochaine mission en date : le 17 juin, Gilles Collaveri et ses partenaires s’affaireront à trouver des débris d’un bombardier allemand, un Heinkel 177, qui s’est écrasé près de Mont-de-Marsan lors d’une reconnaissance météo.
Un passionné d’aviation et d’humain
Né en 1962, Gilles Collaveri est touché par le virus de l’aviation dès le plus jeune âge. D’abord de manière ludique, avec la réalisation de maquettes, activité qu’il continue encore aujourd’hui. Puis de manière professionnelle, puisqu’il est engagé à l’âge de 25 ans dans une filiale du groupe SNECMA, aujourd’hui devenu Safran. « Le déclic, c’est quand j’avais 14 ans, mon père m’avait emmené à un meeting aérien à la Ferté-Alais, et j’y ai entendu le bruit d’un moteur à pistons, c’était formidable. Et j’ai longtemps habité à Meudon, où il y avait l’ancien musée de l’Air », se remémore-t-il. Maintenant chez ATR depuis presque trente ans, sa passion demeure intacte comme en témoignent ses expéditions, effectuées sur son temps libre, le week-end. Un travail exceptionnel qui lui vaut de sacrés souvenirs. « J’ai rencontré Chuck Yeager, le premier pilote à avoir passé le mur du son. Une autre fois, un de mes contacts est venu d’Arabie Saoudite pour nous aider dans nos recherches ». Le travail d’orfèvre qu’il façonne et les recherches humaines qui portent bien plus loin que sur l’avion lui-même, ne sont donc pas une coïncidence et parlent d’elles même…